Un voyage enivrant
C’était en 1959 ou 1960, je devais me rendre à Alger assez rapidement, pour différentes raisons professionnelles et familiales et il n’y avait pas de place sur l’avion régulier avant une dizaine de jours … Ne possédant pas d’automobile personnelle, et les services de cars étant interrompus à cause de l’insécurité, il ne me restait plus que la solution du « taxi collectif »…
Sur la grande place du marché de Ghardaïa, au M’zab, il y avait sous les arcades un endroit ou les chauffeurs de taxi collectif racolaient les clients, qui négociaient les prix des places…pour les différentes étapes du parcours Ghardaïa-Alger ( Laghouat et Djelfa ). Après discussion et accord, je payais la moitié de ma place et notais le rendez-vous pour le mardi matin, sur la place devant la Poste, sachant seulement qu’il s’agissait d’une fourgonnette Wolkwagen aménagée en transport de personnes….
Mardi matin à l’aube, devant la Poste de Ghardaïa, le taximan attendait devant son véhicule, il casa mon sac à l’arrière et je m’installais sur la banquette du milieu, prés de la vitre droite, les autres passagers, deux mozabites et deux chaambas étaient déjà installés, emmitouflés dans de chaudes kachabias, car en ce matin de mars, il faisait encore froid, et nous aurions encore plus froid en traversant les Hauts Plateaux des Ouled Naïl et surtout en traversant l’Atlas vers Médéa…
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes…. A mi-chemin entre Berriane et Laghouat, l’un des passagers sortit une petite pipe avec une partie en cuivre, la bourra consciencieusement, l’alluma, tira quelques bouffées et la passa à son voisin qui aspira lui aussi deux ou trois goulées, et la pipe fit le tour des passagers, y compris le chauffeur et le …roumi… !! Puis la pipe revint à son propriétaire qui continua à suçoter doucement son calumet, bien calé sur le siège arrière du véhicule…
Captivé par les paysages changeants des daïas bordant la Nationale, je commençais à distinguer de plus en plus souvent des grands massifs de lauriers roses sauvages…. Et petit à petit , j’en voyais de plus en plus de lauriers roses… et en même temps un étrange bien-être m’envahissait… Je ressentais aussi assez brusquement une grande envie de boire, et un thermos de café arriva à point nommé pour calmer ma soif… Replongeant ma vue sur les bas-côtés, je ne voyais plus que des lauriers roses et en était fort étonné, un vrai miracle saharien, une grande euphorie me faisait sourire béatement à ce spectacle paradisiaque… La traversée de Laghouat me fit croire un moment que toutes les maisons et les bâtiments étaient tous peints en rose eux aussi, puis peu après, le doux ronronnement du moteur me fit entrer dans une somnolence peuplée de doux rêves parfumées de vapeurs d’épices orientales…
Je ne me réveillais que dans les faubourgs d’Alger, dont je reconnaissais les carrefours et certains bâtiments publics… Le taxi s’arrêta à la gare routière, située devant la gare de chemin de fer, je réglais l’autre moitié du parcours, prenais mon sac et me dirigeais comme un somnambule vers le centre ville, comme on part à la découverte d’un parc d’attractions fourmillant de personnes et de bruits…
Je ne sortais vraiment de ma léthargie que le soir, au restaurant de l’hôtel, ou je racontais mes mésaventures de la journée à un collègue venu dîner avec moi… Il n’attendit pas la fin de mon récit pour éclater de rire et me déclarer : « ça y est , tu fais maintenant partie du club des haschischins », faisant allusion au goût pour les paradis artificiels d’illustres poètes tels Arthur Rimbaud ou Charles Baudelaire… je me doutais de quelque chose dans ce genre là, mais n’avait pas pu mettre un nom sur cet étrange état d’hyperesthésie qui m’avait envahi pendant les trois quarts du parcours… Je venais donc de faire ma première expérience, involontaire, de défonce artificielle, en fumant quelques goulées de pipe de haschisch, cultivé sous quelques palmiers du M’zab ou du Touat…
Gaillac le 11/06/2009
Nota : les années 1959 et 1960, en Algérie, malgré un relatif calme apparent du aux pourparlers en cours entre le FLN et le gouvernement français ( Melun , etc…. ), n’étaient pas des années ou tout sa passait bien, les attentats et les enlèvements d’un côté, les opérations militaires de l’autre, se poursuivaient et faisaient régner une atmosphère de peur et de méfiance réciproque…. Il fallait d’ailleurs être un peu givré et avoir une bonne dose d’inconscience pour voyager dans ces conditions, sur un trajet de plus de 600 km, traversant des endroits peu engageants réputés pour les tirs de fusil mitrailleur sur les véhicules de passage… A l’époque, j’étais jeune, givré et inconscient, et accordais une confiance illimitée au genre humain… !!
C’était en 1959 ou 1960, je devais me rendre à Alger assez rapidement, pour différentes raisons professionnelles et familiales et il n’y avait pas de place sur l’avion régulier avant une dizaine de jours … Ne possédant pas d’automobile personnelle, et les services de cars étant interrompus à cause de l’insécurité, il ne me restait plus que la solution du « taxi collectif »…
Sur la grande place du marché de Ghardaïa, au M’zab, il y avait sous les arcades un endroit ou les chauffeurs de taxi collectif racolaient les clients, qui négociaient les prix des places…pour les différentes étapes du parcours Ghardaïa-Alger ( Laghouat et Djelfa ). Après discussion et accord, je payais la moitié de ma place et notais le rendez-vous pour le mardi matin, sur la place devant la Poste, sachant seulement qu’il s’agissait d’une fourgonnette Wolkwagen aménagée en transport de personnes….
Mardi matin à l’aube, devant la Poste de Ghardaïa, le taximan attendait devant son véhicule, il casa mon sac à l’arrière et je m’installais sur la banquette du milieu, prés de la vitre droite, les autres passagers, deux mozabites et deux chaambas étaient déjà installés, emmitouflés dans de chaudes kachabias, car en ce matin de mars, il faisait encore froid, et nous aurions encore plus froid en traversant les Hauts Plateaux des Ouled Naïl et surtout en traversant l’Atlas vers Médéa…
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes…. A mi-chemin entre Berriane et Laghouat, l’un des passagers sortit une petite pipe avec une partie en cuivre, la bourra consciencieusement, l’alluma, tira quelques bouffées et la passa à son voisin qui aspira lui aussi deux ou trois goulées, et la pipe fit le tour des passagers, y compris le chauffeur et le …roumi… !! Puis la pipe revint à son propriétaire qui continua à suçoter doucement son calumet, bien calé sur le siège arrière du véhicule…
Captivé par les paysages changeants des daïas bordant la Nationale, je commençais à distinguer de plus en plus souvent des grands massifs de lauriers roses sauvages…. Et petit à petit , j’en voyais de plus en plus de lauriers roses… et en même temps un étrange bien-être m’envahissait… Je ressentais aussi assez brusquement une grande envie de boire, et un thermos de café arriva à point nommé pour calmer ma soif… Replongeant ma vue sur les bas-côtés, je ne voyais plus que des lauriers roses et en était fort étonné, un vrai miracle saharien, une grande euphorie me faisait sourire béatement à ce spectacle paradisiaque… La traversée de Laghouat me fit croire un moment que toutes les maisons et les bâtiments étaient tous peints en rose eux aussi, puis peu après, le doux ronronnement du moteur me fit entrer dans une somnolence peuplée de doux rêves parfumées de vapeurs d’épices orientales…
Je ne me réveillais que dans les faubourgs d’Alger, dont je reconnaissais les carrefours et certains bâtiments publics… Le taxi s’arrêta à la gare routière, située devant la gare de chemin de fer, je réglais l’autre moitié du parcours, prenais mon sac et me dirigeais comme un somnambule vers le centre ville, comme on part à la découverte d’un parc d’attractions fourmillant de personnes et de bruits…
Je ne sortais vraiment de ma léthargie que le soir, au restaurant de l’hôtel, ou je racontais mes mésaventures de la journée à un collègue venu dîner avec moi… Il n’attendit pas la fin de mon récit pour éclater de rire et me déclarer : « ça y est , tu fais maintenant partie du club des haschischins », faisant allusion au goût pour les paradis artificiels d’illustres poètes tels Arthur Rimbaud ou Charles Baudelaire… je me doutais de quelque chose dans ce genre là, mais n’avait pas pu mettre un nom sur cet étrange état d’hyperesthésie qui m’avait envahi pendant les trois quarts du parcours… Je venais donc de faire ma première expérience, involontaire, de défonce artificielle, en fumant quelques goulées de pipe de haschisch, cultivé sous quelques palmiers du M’zab ou du Touat…
Gaillac le 11/06/2009
Nota : les années 1959 et 1960, en Algérie, malgré un relatif calme apparent du aux pourparlers en cours entre le FLN et le gouvernement français ( Melun , etc…. ), n’étaient pas des années ou tout sa passait bien, les attentats et les enlèvements d’un côté, les opérations militaires de l’autre, se poursuivaient et faisaient régner une atmosphère de peur et de méfiance réciproque…. Il fallait d’ailleurs être un peu givré et avoir une bonne dose d’inconscience pour voyager dans ces conditions, sur un trajet de plus de 600 km, traversant des endroits peu engageants réputés pour les tirs de fusil mitrailleur sur les véhicules de passage… A l’époque, j’étais jeune, givré et inconscient, et accordais une confiance illimitée au genre humain… !!