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Dans le rétro de la star automobile des années 80, la Renault 5
À travers l'épopée automobile de l'iconique R5, ce documentaire de Claire Perdrix revient sur les enjeux économiques, sociaux et politiques d'une époque devenue culte.
La Renault 5, c'est un peu la madeleine de Proust de Claire Perdrix. Petite, elle collectionnait et jouait avec ses voitures et se rêvait pilote de Rallye. En grandissant, interpellée par la dangerosité de la vitesse et soucieuse de l'environnement, elle gare ses desseins de l'enfance, en optant pour le vélo.
Un moyen de locomotion, qu'elle affectionne, plus en harmonie avec sa ligne de conduite. Elle n'en oublie pas pour autant celle qui a marqué ses très jeunes années.
J'ai eu envie de rembobiner, de raconter l'histoire d'une voiture que je m'amusais à repérer sur la route au milieu de toutes les autres.
Claire Perdrix
D'abord déclinée en R5 dès le début des années 70, puis en Super 5 au milieu des années 80, elle a été la plus vendue de ces décennies cultes. Un français sur cinq en possédait un modèle au milieu des années 80. Enrubannées dans nos souvenirs, nombre d'entre elles ont repris la route.
La petite nouvelle fait la belle
C'est dans les bureaux de la Régie, que Michel Boué, un jeune ingénieur, inspiré par les années 60 a dessiné à main levée celle qui deviendra la Renault 5.
Pour les dirigeants de l'époque, cette voiture ne devait surtout pas ressembler à celles qui existaient déjà.
Jusqu'à la fin des années 60, les voitures étaient très carrées, anguleuses, souvent sombres et imposantes avec des pare-chocs en chrome. Pas vraiment rigolote, l'auto de papa !
Les commerciaux du Réseau Renault n'auraient pas misé un agenda publicitaire sur cet ovni aux formes féminines et aux phares carrés. Le choix d'une R5, version trois portes inquiétait particulièrement l'équipe. Dès février 1972, la Régie engrangeait 700 commandes par jour.
Arezki Amazouz, ancien ouvrier de chez Renault se souvient de la fierté des employés à la présentation de la R5. "Je me souviens d'un collège qui week-end compris portait son badge Renault. "
La belle aux formes arrondies a fait les yeux doux à toute une génération sans distinction d'âge, de genre et de classe. Une voiture cool, déclinée dans toutes les couleurs et anticonformiste.
Les premières Renault 5 vont toucher le public le plus large jamais conquis par un seul véhicule.
Les jeunes, dont la majorité a été abaissée de 21 à 18 ans en 1974 par le président Valéry Giscard d'Estain découvrent cette voiture sur mesure, pétillante et abordable qui devance leurs attentes. Facile à conduire, facile à garer, assez facile à financer, peu gourmande, fun et glamour.
Les femmes qui peuvent exercer, depuis 1965, une activité professionnelle sans le consentement de leur mari sont de plus en plus nombreuses à travailler. La nécessité d'une deuxième voiture s'impose quand les couples se sont éloignés des villes pour s'installer dans une maison avec jardin.
La R5 charme, attendrit, investit un personnage attachant de plus en plus humanisé. Symbole de liberté, d'indépendance et d'émancipation, la petite voiture aux couleurs bonbons séduit de mère en fille ou vice-versa.
En 1976, deux ans après sa sortie, 45 % des propriétaires de R5 sont des femmes et 55 % ont moins de 30 ans.
La voiture des courses
Avec le développement des classes moyennes et des banlieues, les supermarchés vont devenir la sortie du samedi, en solo, entre amies ou en famille. Le coffre de la R5 a été conçu pour avaler le volume d'un caddie de supermarché.
Contrairement à la 4L, mais plus encore contrairement à la 4 chevaux, la Renault 5 est un véhicule de l'abondance.
Mathieu Flonneau - Historien de l'automobile
Les habitudes de consommation changent, les épiceries et les petits magasins des centres-villes et des villages perdent de leur attrait
Les années Super 5 - Les courses du samedi dans les supermarchés .
Les enfants sont conquis, la promenade en voiture et le tour dans les rayons sur le siège du caddie ont un avant-goût de surprise sucrée et de jouets. Un nouveau paysage commercial se dessine entre insouciance et optimiste. Ils sont peu nombreux à entendre les sonnettes d'alarme des lendemains qui déchantent
"Le développement des loisirs de masse, favorisé par la réduction du temps de travail et la 5e semaine de congés payés, a contribué à laisser dans l’imaginaire collectif l’image d’une génération qui pensait pouvoir accéder au bonheur par l’ultra-consommation."
La voiture qui roule quand les autres trinquent
Le premier choc pétrolier survient l'année qui suit la sortie de la 5. Le mouvement anti voiture et le discours qualifié d'apocalyptique du premier candidat écologiste René Dumont ne convainc pas les électeurs. Le prix à la pompe explose, la petite R5 peu gourmande en fait un atout et les publicitaires s'en donnent à cœur joie.
La star des écrans fait son cinéma dans la Boum, le film incontournable des années 80. Outre-atlantique, en version américaine, la franchie car fait une apparition dans l'agence tous risques.
La voiture des Champs
La petite a tout d'une grande et n'a pas l'intention de laisser sa place. Le 24 septembre 1984, dans la cour de l'Élysée, la Super 5 bleu turquoise conduite par le Président François Mitterrand n'a aucun complexe à remplacer les précédentes voitures, plus austères et imposantes.
La séquence fait coup double. Le président prête son image à Renault dans un contexte économique en perte de vitesse et se présente ainsi comme un chef d'État moderne et populaire.
Nostalgie quand tu nous tiens
À Orléans, dans un poulailler réaménagé en garage des années 80, soixante R5 sont alignées dans une palette de couleurs impressionnante. Ces voitures ne sont pas des miniatures et leurs propriétaires ne sont plus des enfants.
Six familles de passionnés donnent de leur temps libre et de leurs finances pour rénover et remettre en service leurs acquisitions. Contre l'obsolescence, ils ont investi dans du matériel pour entretenir leurs véhicules et les "faire durer" le plus longtemps possible.
Ces voitures ont besoin d'un peu d'eau, d'huile, d'essence. De temps en temps, un élément lâche. On change l'élément et on repart.
Mathieu, collectionneur
Virginie, avec l'aide d'un ami street graffer se lance dans une création pop, version destroy. Chaque voiture a son histoire, certaines ont même un prénom.
Ici, chacun se doit d'avoir une orange 72, parce que c'est la R5 du lancement.
Mathieu- Collectionneur de 35 Renault 5.
Ce côté familial et amical que l'on retrouve dans ce garage est au diapason avec l'esprit qui régnait dans l'usine de Douai au début des années 70. Des ouvriers de toutes nationalités se comprenaient et sympathisaient sans parler la même langue.
De l'entreprise familiale à l'industrie
Si la Renault 5 est devenue iconique, c’est avant tout parce qu'elle a accompagné et souvent même devancé les mutations industrielles et sociales de son époque. Exportée dans le monde entier, elle a été l’une des premières à passer des mains de l’homme à celle des robots sur les chaînes de fabrication.
Des robots de plus en plus compétitifs qui vont changer la donne ! La peur de perdre son emploi s'installe et modifie l'ambiance générale.
La R5, ne voit pas venir la concurrence. La Peugeot 205 trouve sa clientèle et sa version GTI s'adresse plus particulièrement à la gent masculine. Renault rétorque avec sa mise sur le marché de la Super 5 et ses versions GT Turbo et Baccara.
La Super 5 se vend mieux que la 205, mais le contexte économique et la concurrence mondiale mettent un point final à sa production le 27 mars 1992.
Et même les jeunes l'aiment
Amaury a 22 ans, la super 5 a pour lui un parfum de nostalgie. Il se souvient d'avoir joué dans celle de sa grand-mère, stockée dans le garage de ses parents. Une cabane providentielle munie d'un klaxon que le petit garçon faisait retentir avec amusement.
"La voiture à voyager dans le temps", d'Amaury, équipée d'un lecteur de cassette vintage, diffuse Heart of Glass de Blondie.
Sur le tableau de bord, les enregistrements de Bruce Springsteen, Supertramp et Balavoine !
C'est quand même assez classe de pouvoir conduire une voiture qui a été conduite par un président de la République.
Amaury
La petite dernière est électrique, Amaury la trouve très belle, mais elle ne lui parle pas autant que sa R5 vintage. Le côté écologique, le recyclage des batteries et le besoin d'électricité l'interrogent. Il se donne du temps pour se forger une opinion. Les dirigeants et les salariés comptent sur cette mutation écologique pour donner un nouveau souffle à leur marque fétiche.
