Bonjour à tous;
Les charmes de l’automobile ;
….Avec le nouveau mode de transport, nous partons à l’heure que nous voulons.
Le monstre est devant la porte, oppressé, claquant des dents, trépident comme un énorme moule à gaufres. Mais c’est sa nature de trépider et il n’y a aucun inconvénient à le laisser s’agiter deux minutes de plus.
Nous n’arriverons pas là-bas à minuit 18, mais à l’heure qu’il sera. Les horloges ne sont pas au monde pour nous donner des ordres, mais pour nous dire l’heure tout simplement, afin que nous puissions évaluer notre vitesse.
Nous ne savons pas quand nous arriverons. Et nous ne savons pas non plus à quel moment, à quel endroit et pour combien de temps nous nous arrêterons, ça dépendra du hasard, de l’aimable et fantaisiste hasard. Ça dépendra de la panne.
La panne, c’est la station du chauffeur. Les gens qui passent sur les routes et qui voient une automobile arrêtée près d’un fossé, ces gens là ont parfois un sourire de pitié. Ils ne savent pas ce que c’est que l’automobile. Ils ne savent pas ce que c’est que la panne, cet arrêt imprévu qui fait plaisir à tous les voyageurs.
Cette dame avait peur depuis le départ. Elle tremblait quand ça montait, parce qu’on peut être renversé et culbuté par une voiture qui descend. Elle était malade d’angoisse à la vue d’un tournant : » Qu’y a t-il de l’autre côté ? N’allons-nous pas tomber sur une carriole qui barre la route ? »
Elle était plus terrifiée encore quand ça ne tournait pas car alors le mécanicien partait à la quatrième vitesse. Et la dame murmurait : » c’est de la folie ».
La voiture s’est arrêtée, c’est une petite trêve. Peut être l’arrêt est il plus sérieux, et sera-t-on obligé de revenir par le chemin de fer ?
Je me suis laissé dire que, pour le chauffeur, le vrai chauffeur, la panne est un accident passionnant, parce qu’il s’agit d’en rechercher la cause…..c’est une charade… le mot est-il soupape ou bougie ?
La panne a encore cet avantage d’attirer un public autour de la voiture, un public restreint sans doute, mais un public.
Il n’y a que le mécanicien que la panne gêne un peu Il s’est mis courageusement sous la voiture, comme un dompteur met sa tête dans la gueule du lion. Peut être le mécanicien, dont on n’aperçoit pas le visage, n’est-il pas un bon et honnête mécanicien (comme le bon et honnête mécanicien à qui je confie ma vie d’ordinaire) et se demande-t-il là-dessous s’il ne va diagnostiquer un accident grave qui l’obligera, pendant que ces messieurs et ces dames prendront le train, à conduire la voiture chez le forgeron, à passer la nuit à l’auberge,à se lever le lendemain à 10 heures pour rentrer à la maison à midi, porteur d’une note de réparation assez élevée.
Tristan Bernard
Extrait de « L’illustration », août 1904
Amicalement,
Alain.
Les charmes de l’automobile ;
….Avec le nouveau mode de transport, nous partons à l’heure que nous voulons.
Le monstre est devant la porte, oppressé, claquant des dents, trépident comme un énorme moule à gaufres. Mais c’est sa nature de trépider et il n’y a aucun inconvénient à le laisser s’agiter deux minutes de plus.
Nous n’arriverons pas là-bas à minuit 18, mais à l’heure qu’il sera. Les horloges ne sont pas au monde pour nous donner des ordres, mais pour nous dire l’heure tout simplement, afin que nous puissions évaluer notre vitesse.
Nous ne savons pas quand nous arriverons. Et nous ne savons pas non plus à quel moment, à quel endroit et pour combien de temps nous nous arrêterons, ça dépendra du hasard, de l’aimable et fantaisiste hasard. Ça dépendra de la panne.
La panne, c’est la station du chauffeur. Les gens qui passent sur les routes et qui voient une automobile arrêtée près d’un fossé, ces gens là ont parfois un sourire de pitié. Ils ne savent pas ce que c’est que l’automobile. Ils ne savent pas ce que c’est que la panne, cet arrêt imprévu qui fait plaisir à tous les voyageurs.
Cette dame avait peur depuis le départ. Elle tremblait quand ça montait, parce qu’on peut être renversé et culbuté par une voiture qui descend. Elle était malade d’angoisse à la vue d’un tournant : » Qu’y a t-il de l’autre côté ? N’allons-nous pas tomber sur une carriole qui barre la route ? »
Elle était plus terrifiée encore quand ça ne tournait pas car alors le mécanicien partait à la quatrième vitesse. Et la dame murmurait : » c’est de la folie ».
La voiture s’est arrêtée, c’est une petite trêve. Peut être l’arrêt est il plus sérieux, et sera-t-on obligé de revenir par le chemin de fer ?
Je me suis laissé dire que, pour le chauffeur, le vrai chauffeur, la panne est un accident passionnant, parce qu’il s’agit d’en rechercher la cause…..c’est une charade… le mot est-il soupape ou bougie ?
La panne a encore cet avantage d’attirer un public autour de la voiture, un public restreint sans doute, mais un public.
Il n’y a que le mécanicien que la panne gêne un peu Il s’est mis courageusement sous la voiture, comme un dompteur met sa tête dans la gueule du lion. Peut être le mécanicien, dont on n’aperçoit pas le visage, n’est-il pas un bon et honnête mécanicien (comme le bon et honnête mécanicien à qui je confie ma vie d’ordinaire) et se demande-t-il là-dessous s’il ne va diagnostiquer un accident grave qui l’obligera, pendant que ces messieurs et ces dames prendront le train, à conduire la voiture chez le forgeron, à passer la nuit à l’auberge,à se lever le lendemain à 10 heures pour rentrer à la maison à midi, porteur d’une note de réparation assez élevée.
Tristan Bernard
Extrait de « L’illustration », août 1904
Tristan Bernard
Nom de naissance Paul Bernard
Activité(s) Dramaturge, romancier
Naissance 7 septembre 1866 Besançon
Décès 7 décembre 1947 (à 81 ans) Paris
Langue d'écriture Français
Activité(s) Dramaturge, romancier
Naissance 7 septembre 1866 Besançon
Décès 7 décembre 1947 (à 81 ans) Paris
Langue d'écriture Français
Amicalement,
Alain.